TdG: Patrick ramseyer, vous venez de publier un ouvrage étonnant qui apporte un éclairage stupéfiant sur la personnalité d'Olivier Besançenot. On est loin, en lisant votre livre, du petit facteur austère qui ne fume ni ne boit. En fait c'est le portrait d'un véritable Sardanapale que vous avez dressé avec le talent d'écrivain populaire qu'on vous connait...Mais comment avez-vous découvert le pot aux roses?
P-R : Un soir, je devais coller des affiches pour la ligue avec un camarade, Bernard, dans le quartier du Trocadero. On est tombés sur Olivier à un feu rouge, et là, on a eu ce qu'on appelle la berlue : Olivier était sapé comme un nabab dans un costume Gucci et conduisait une grosse Jaguar en compagnie d'une très belle fille blonde...genre Carole Landis, si vous voyez ce que je veux dire... En s' approchant, on s'est aperçus qu'il était complètement chiredé. Le camarade, vraiment cool, nous a rendu notre signe en rigolant et nous a invités à monter dans sa caisse. On est montés, hallucinés. Dans la bagnole, ça puait l'Afghan et c'était un bordel inimaginable: bouteilles de Röederer vides partout, paquets de préservatifs ouverts, mégots de joints, barquettes de tarama Fauchon à moitié vides et renversées sur les banquettes en cuir de Cordoue. Incroyable. Avec Bernard on s'est regardés, sidérés. Olivier a démarré en trombe.
TdG: Incroyable, en effet, et ensuite...
P-R : ...La fille à coté de lui etait vraiment très sexy et n'arrêtait pas de se dandiner sur son siège comme si elle avait le feu ou vous savez. Olivier la regardait sans arrêt, les yeux en trous de bite...je me souviens d'un détail, je veux dire un truc... un mince filet de bave sur le menton de notre camarade dans lequel on pouvait distinguer quelques oeufs d'esturgeon sevruga....
TdG: Du caviar quoi!
P-R: Oui, du caviar, juste quelques petits oeufs minuscules, comme les oeufs que les poissons laissent accrochés aux herbes des rivières pendant le fret, du lumpen...du lumpen...mais là, ils adhéraient, brillants, sur son menton mal rasé. On a roulé pendant une demi-heure à tombeau ouvert, en faisait des grandes embardées en plein Panâme. Olivier n'arrêtait pas de brailler en allemand...
TdG: En allemand?
P-R : Ouais...un tube des années 80, 99 Luftballon, je le connaissais bien j'avais le disque, tu veux que te la chante? allez, je te chante le début, hein? Hast du etwas Zeit für michDann singe ich ein Lied für dichVon 99 Luftballons Auf ihrem Weg zum HorizontDenkst du vielleicht g'rad an michSinge ich ein Lied für dichVon 99 LuftballonsUnd das sowas von sowas kommt99 Luftballons Auf ihrem Weg zum HorizontHielt man für Ufos aus dem AllDarum schickte ein General'Ne Fliegerstaffel hinterherAlarm zu geben wenn's so wär Dabei war'n dort am Horizont Nur 99 Luftballons 99 DüsenfliegerJeder war ein grosser Krieger Hielten sich für Captain Kirk...
TdG: Ok, ok, tu la connais bien cette chanson...c'est clair...et après, vous êtes allés où avec ton pote et Besançenot?
P-R : Ben, Olivier, s'était apercu que les seins lourds de la fille ballotaient en roulant, alors il accélérait, décélérait brutalement exprès pour les faire trésaillir tout en nous jetant des oeuillades... il a freiné si fort Place de l'étoile, que ses nichons sont carrément sortis de sa robe d'un coup sec et que la môme s'est cognée la tête dans le pare-brise! Olivier s'est retourné vers nous en ricanant comme un dément et a redémarré. Et là, il a fait un truc inouï : tout en continuant à rouler à tombeau ouvert, il a réussi d'une seule main à rouler un pétard sur la cuisse de sa fiancée tout en arrachant à la fin l'étiquette de sa culotte pour faire le filtre! Là, on lui a fait une petite ovation depuis la banquette arrière! Le bedos a tourné, on s'est marré comme des baleines! Et puis en sortant de Ripa on a pris une voie privée dans le bois de Boulogne et on s'est garé devant un Hôtel particulier. On est sortis et olivier a pris un air goguenard, disant: "Gardez ça pour vous camarades, mais ça, ç'est ma turne!" On lui a dit qu'on ne le croyait pas, que pour la bagnole ça pouvait être une location, mais qu'on savait bien qu'il créchait dans le 18. Il a répondu " mon studio dans le 18 , c'est des rases, en vérité, je crèche ici, mais je ne peux pas le dire, les camarades ne comprendraient pas. Je tiens cette baraque de mon vieux qui n'était pas tourneur-fraiseur à Issy les Moulineaux, mais Président du groupe Axa. Bernard m'a jeté un coup d'oeil, écoeuré. je m'en souviendrai toujours. Ce vrai militant ouvrier, fils d'une femme de ménage assyrienne et d'un fossoyeur de Denain, toujours calme et mesuré, était en train de perdre son sang froid. C'était un mélange de colère et de folie, d'envie aussi parce que la gonzesse avait du lui filer la trique... Bon , là faut comprendre, je veux dire... la Jague, ce petit château à la nuit tombante, avec des promesses de confort infinies, les lustres de cristal qui brillaient discrètement derrière les frondaisons mauves des glycines. Pauv'vieux, ses fringues étaient pleines de tarama et de mégots de joints, il avait même un préservatif collé à une de ses basquettes...Je me suis approché et lui ai dit " Ecoutes Nanard, c'est dur de découvrir tout ça, mais enfin, le copain ne peut pas tout révéler, la Classe ouvrière n'est pas mure pour l'entendre.
TdG: Pourquoi ces propos?
P-R : Mais parce que c'est vrai que les gars de l'organisation, et même les ouvriers devant leur télé préféraient voir Arlette faire griller de côtelettes de porc dans sa cuisine en Formica aux Lilas ou olivier jouer aux boules avec des poivrots aux Buttes-Chaumont que garer une Jague dans le bois de Boulogne. Ils n'auraient pas compris. Pour moi, finalement, ça ne remettait rien en cause, je savais qu'on pouvait avoir hérité du pognon de sa famille et être un militant ouvrier sincère...
TdG: C'est sûr. Et après, vous êtes entrées dans cette belle maison?
P-R: Ouais on est entrés et Olivier nous a encore fait fumer et picoler. Bernard a bien refusé au début, mais l'espoir de pouvoir se faire la fille...Tu comprends ?
TdG: Et il se l'est faite cette fille?
P-R: Alors là, censure, circulez, y-a plus rien à voir...
TdG: Allez...on a l'eau à la bouche!
P-R : Tant pis! Faut acheter mon bouquin!
TdG: On va l'acheter ce livre passionnant et ...euhhh...on pense que tous les auditeurs vont faire la même chose...une dernière question Patrick: pourquoi avoir quitté la ligue ?
P-R: Y-a pas de soucis, je vais vous répondre, moi je suis clair...c'est parce que je milite aujourd'hui au Parti socialiste...
TdG: Au PS.....mais vous reniez complètement....