jeudi, août 25, 2005

Réédition de deux albums historiques du duo Phil Spector-Patrick Ramseyer

Ci-dessus: Diane Webber alias Marguerite Empey posant pour Escapade en décembre 1955
Ceux qui ont essuyé les plâtres de la biographie du producteur dément Phil Spector savent que la démesure tient souvent lieu de religion dès qu'il s'agit d'aller au-delà des formes habituellement empruntées. Le fameux Wall of Sound, qui faisait de la monophonie une langue conservée - et donc aristocratique - est encore là pour témoigner de l'opiniâtreté dont fit part le grand Phil quand la mode voyait dans une parousique stéréophonie un nouveau méssianisme de salon. Spector enfermé, lentement gagné par un autisme paranoide et dévoré par une libido à l'estomac percé devait ne plus jamais reparaître, finalement enseveli sous l'édifice grandiose construit, disait-il, pour une éternité et une éternité.
Ce sont aujourd'hui deux albums rarissimes qui sont republiés par le précieux label Balby, non pas du maître, mais de celui qui demeure certainement son émule le plus fidèle, Patrick Ramseyer. C'est Spector lui même qui, selon Ronnie Bennett - dans une interview a Vanity Fair - aurait pris langue avec Ramseyer après l'avoir vu décapiter un bouvreuil avec ses dents à la sortie d'une boîte afro de Pasadena en 1953 : " Phil était complètement défoncé et avait passé la soirée au Two Hats avec Bob and Earl - ces deux mecs sont les vrais créateurs de Harlem Shuffle et non les Stones - avec qui il voulait absolument enregistrer. Cette boîte était , je vous assure, un endroit merveilleux. Il y avait un décor tropical minimaliste concu par Raymond Loewy et des filles à demi-nues qui dansaient comme des folles dans des cages de bambous tout en tenant entre leurs dents des cuillers dans lesquelles le patron avait placé des oeufs de caille. Celle qui ne se dandinait pas suffisament ou qui laissait tomber son oeuf parcequ'elle délirait trop avec son arrière-train était virée sur le champ. Dans ces cages il y avait aussi des oiseaux de toutes sortes qui paniquaient à cause la musique et du bordel ambiant et n'arrêtaient pas de voleter autour des danseuses, faisant parfois tomber les oeufs des cuillers. Ramseyer sortait avec l'une des go-go danseuses, Margerite Empey, dont le nom de scène était Diane Webber. A la fin de la nuit, cette fille en a eu marre d'un de ces putains d'oiseaux, une sorte de bouvreuil je crois, qui n'arrêtait pas de lui chier dans le décolleté et de tourner autour de sa cuiller ; elle appellé Pat et lui a dit un truc du genre Débarasse-moi de ce piaf ou je fais un malheur...Pat a fini son gin-fizz, s'est dirigé vers la cage, l'a ouverte, a attrappé le bouvreuil et lui a arraché la tête avec ses dents. Je peux vous dire que ca a refroidi pas mal de ceux qui dansaient sur la piste et que le tolier, un sâle type qui cachetonnait avec le milieu de L.A, l'a sorti en vitese du Two Hats ! Au moment de sortir de la boîte, Pat lui a même craché la petite tête en pleine figure...Ils se sont ensuite battus dans la rue, et c'est Phil, qui avait tout vu, qui les a séparés et a proposé à Pat de prendre un verre ailleurs. Ils sont montés avec Bob et Earl dans la tire de Phil et sont tous aller se finir à Malibu. Phil était...comment dire...spécial...et ca lui avait drôlement plu de voir Pat décapiter le moineau. A 7H00 du matin, ils se sont présentés au magasin d'animeaux Rodney's et Phil a acheté une dizaine de passereaux et même un perroquet! Ils sont allés chez Phil et il a fallu que Pat arrache toutes les têtes des oiseaux avec ses dents, comme il l'avait fait la veille...et Pat l'a fait...C'est exactement comme ça qu'ils se sont connus. Vous savez, à cette époque, Ramseyer ne foutait pas grand chose. Je crois que ses parents posédaient la moitié des laveries automatiques de Californie. Il relevait les compteurs de temps en temps et allait claquer son fric dans les bars ou avec des putes qu'il ramenait chez lui pour les baiser dans sa piscine en écoutant des vieux tubes de Carmen Miranda. Quand il était raide, il faisait des trucs bizzares, mais ces putains de décapitations d'oiseaux lui ont donné des idées et Phil l'a aidé à les mettre en oeuvre. Pat a racheté une centaine d'oiseaux chez Rodney's et, au lieu de leur aracher la tête, leur a simplement retiré le bec avec une pince, après quoi il a recruté une fille qui faisait de la couture et lui a demandé de leur faire un ourlet, un ourlet de chair... Deux mois après, il enregistrait chez Phil des reprises hallucinées du Quarteto em Cy avec un trio de ménates préparés. Les piafs chantent comme des dingues sur ce disque parceque Pat les a nourris avec de la bouillie de céréale mélangée à du LSD pour qu'il retiennent mieux les paroles et y mettent vraiment du coeur, et c'est exactement ce qui s'esr passé...je veux dire que cela s'entend...en plus, le fait de leur avoir fabriqué ces bouches leur a donné une présence incroyable. C'est dingue ce qu'un bec peut bousiller une chanson, finalement...et le génie de Pat a été de faire redescendre sur terre tout ceux qui se contentaient de dire des conneries sur le chant des canaris, les perroquets marrants, etc...Pat et Phil ont tiré un boulet de canon dans le petit monde mesquin de l'ornithologie! Le deuxième album de Pat, c'était avec un serein, toujours préparé, mais à qui il avait fait greffer la langue d'un de ses neveux décédé d'un accident de voiture...là, évidement, il sont allés très très loin puisque le serein récite des vers du poète Vaz de Comoa sur un fond de guitares électriques déchaînées...Même la pochette va loin: Phil, qui est un fanatique de la macronymphie avait demandé à Diane, un phénomène à ce niveau là, de se laisser photographier ce que vous savez...elle a accepté et c'est le photographe Cecil Beaton qui a pris ce fameux cliché après avoir placé le serein au premier plan avec sa bouche artificielle et son énorme langue d'adolescent qui traîne par terre et toute cette impossible végétation de viande derrière... "
Les deux albums luxueusement réédités par Warner-France seront dans les bacs dès lundi, mais uniquement chez Boulinier, seul à avoir accepté de distribuer ces chef-d'oeuvre trop longtemps indisponibles.